« C’est honteux d’avoir peur des élections ! » (interview Le Soir 30.01.2020)
Pour débloquer le fédéral, la candidate à la présidence du parti libéral flamand propose d’élire directement le Premier ministre. Et préférera l’opposition à de nouvelles taxes.
La course à l’élection présidentielle devrait être lancée dans les prochaines heures au VLD. Les statuts prévoient qu’un ou une nouvelle président(e) soit désigné(e) au plus tard au mois de mars. L’ancien secrétaire d’Etat et ministre flamand Bart Tommelein, bourgmestre d’Ostende depuis l’année dernière, affrontera, au minimum (on parle beaucoup du chef de groupe à la Chambre, Egbert Lachaert), une Bruxelloise néerlandophone, Els Ampe.
Echevine à la Ville de Bruxelles durant la précédente législature et ex-cheffe de groupe au parlement bruxellois, la sénatrice et députée flamande veut secouer son parti en interne. Malgré sa longue expérience en politique, Els Ampe se présente comme la candidate « anti-establishment ». Son message : « Mettons-nous au service de l’électeur, plutôt que d’en avoir peur. »
Que vous inspire
le blocage actuel au fédéral ?
Cela prouve qu’on
est vraiment à la fin de notre système démocratique. Les informateurs,
formateurs, clarificateurs, démineurs… Le Roi invente en permanence des noms de
fonctions. Le prochain, ça sera les « débrouillards » ? Ça ne va plus, on
tourne en rond là ! Ce spectacle est triste à voir, il faut un autre système.
Lequel ?
Le Premier
ministre doit être élu directement par l’ensemble du peuple belge. On voterait
comme à la présidentielle en France. Les candidats seraient obligés de vendre
leurs idées dans tout le pays, de fédérer. Ils seront forcément bilingues pour
pouvoir récolter des voix, voire trilingues si on pense à la Communauté
germanophone. Pour l’instant, chacun reste dans son coin et on ne se parle pas.
Un leader qui aurait le pouvoir démocratique et la confiance du peuple pour le
soutenir arrivera plus facilement à former un gouvernement.
Le Nord et le Sud
votent différemment…
Les problèmes
sont les mêmes : les salaires, les pensions. Les votes ont été d’un côté vers
le PTB et le Belang de l’autre, mais pour les mêmes causes.
Le ras-le-bol est
général ?
Oui, et c’est
aussi lié au fait que les élus ne sont pas libres de voter. Ils doivent
respecter la ligne imposée par leur parti. On fonctionne à l’envers : les
députés devraient être loyaux envers les citoyens avant leur parti. En votant
contre la nomination de Zakia Khattabi (Ecolo) à la Cour constitutionnelle,
j’ai voulu démontrer par les faits ce que je compte mettre en place si je
deviens présidente de mon parti. Chaque personne pourra voter en son âme et
conscience. On en finira avec ce système où quelques personnes décident et
imposent des consignes, à la place des gens.
Vous êtes
fatiguée de la particratie ?
Tout à fait.
Surtout de l’idée que les politiques doivent décider de tout. Il faut pouvoir
dire que les politiques ne prennent pas toujours les meilleures décisions. Il y
a beaucoup de cas où le citoyen est tout à fait capable de le faire lui-même.
Sur quelle
coalition misez-vous ?
Celle qui misera
sur la croissance économique. Si c’est pour proposer des nouvelles taxes, je
n’aurai pas peur d’aller dans l’opposition. Je ne vois pas de solution
actuellement, à part peut-être de nouvelles élections. Ça ne me fait pas peur.
Vous semblez être
la seule avec le Vlaams Belang…
C’est ça le
problème ! Le seul qui n’a pas peur des élections est le parti
antidémocratique. On vit quand même dans un monde spécial… C’est honteux qu’un
parti démocratique ait peur des élections. Quand les gens ont l’impression que
tu es de leur côté, il n’y a aucune raison d’avoir peur. Je rappelle à mes
collègues qu’on ne représente pas l’Etat mais le peuple. Beaucoup semblent
l’avoir oublié.
C’est comme si on était face à un nouvel establishment, une nouvelle noblesse qui voit tout au travers du prisme de l’Etat. Ce n’est pas la philosophie des libéraux du siècle des Lumières. Ceux qui prônent toujours la stabilité me font peur. Mon adversaire au VLD, Bart Tommelein, juge qu’il ne faudrait pas retourner aux élections, mais c’est parce qu’il défend ceux qui veulent garder leur poste au parti. Or, celui qui a peur reçoit des coups. Arrêtons de craindre le PTB et le Belang. Le rôle du politique est de fixer un cap et d’expliquer aux gens qu’on fera tout pour y arriver. C’est quand même un état d’esprit différent.
En attendant, il
faut bien former un gouvernement…
Ah bon ? On a
déjà un gouvernement. Il pourrait travailler avec le Parlement comme aux
Etats-Unis où les textes sont déposés et soumis à l’assentiment des députés. Ça
aussi, apparemment, ça fait trop peur. Il y a vraiment une sorte de mépris pour
la démocratie…
Vous êtes «
unitariste » à la Bouchez ou « confédéraliste » à la De Wever ?
Je suis
fédéraliste. J’aime un système logique, rationnel et qui fonctionne. La 5G, les
normes de bruit pour l’aéroport à Zaventem, les normes en matière de qualité de
l’air et de l’eau, tout ça doit être refédéralisé voire passé au niveau
européen. A l’inverse, il est logique de gérer l’agriculture au niveau
régional, tout le monde semble satisfait de ça. On doit aussi pouvoir
privatiser plus de secteurs comme les transports en communs. Uber, c’est
magnifique. Depuis qu’ils sont arrivés, les gens prennent beaucoup plus les
taxis. En Flandre, la N-VA stoppe la croissance d’Uber, cela montre encore une
fois leur côté conservateur. Les vrais libéraux misent sur l’innovation et un
état au régime. Georges-Louis Bouchez (MR) l’a aussi dit plusieurs fois : on
est sur la même ligne.
Le Soir 30.01.2020
Maxime Biermé